Brigitte Chardome

Brigitte Chardome

« Personne n’aime être arrêté ni obligé de se garer sur le côté de la route pour s’entendre dire d’un ton plus ou moins aimable : papiers, s’il vous plaît ! Eh bien, aujourd’hui, je rêve que ce jour arrive, que ce jour revienne enfin… parce que ce brave fonctionnaire n’en croirait ni ses yeux, ni ses oreilles… Je le prendrais au pied de la lettre, ce cher homme, et je lui dirais : « Suivez-moi, Monsieur, ils sont dans le coffre, mes papiers. Regardez-les, touchez-les. Allez-y, prenez, en tous les cas, celui-là en main. Passez votre doigt sur cette surface. Vous sentez cette épaisseur ? Cette chaleur ? Vous percevez ce relief sur lequel la couleur va s’accrocher ou se répandre. Et ceux-là ? Regardez ! Moi, je n’ai pas un papier à vous montrer, mais des centaines et des milliers, chiffonnés, déchirés, encollés,  recollés, peints et décolorés, englués, empâtés. Tout ce que mon imagination peut rêver, je le traduis avec le papier. J’en modifie le relief, la texture, les fibres, je passe et repasse, racle, efface, renforce, coupe et découpe… Ah, vous vouliez mes papiers … Je crois que vous êtes tombé à la bonne adresse. Des tonnes que je vais vous donner ! Des tonnes ! » J’aimerais tellement oser lui dire tout cela … et que je n’en finirai jamais avec le papier ! A Brigitte, Pierre Mainguet